dimanche 30 novembre 2014

BCE : DÉSORMAIS LE CAP EST CLAIR

Article paru dans : Kapitalis

Ceux qui ont voté pour Nidaa Tounes aux législatives puis pour Béji Caïd Essebsi au premier tour des présidentielles, n'auraient jamais acceptés qu'il s'allie ou coopère avec Ennahdha ce qui aurait provoqué une crise grave.

BCE hier soir sur Nessma les a rassurés !

Si avant les élections BCE avait eu l'intention d'associer Ennahdha au pouvoir, hier soir il est clair qu'il revient sur cette idée depuis qu'il a constaté la duplicité de Ghannouchi qui affirmait la neutralité de son parti aux élections présidentielles, alors que ses lieutenants et donc son parti, ont soutenu Marzougui ... parasitant ainsi le premier tour de ce scrutin !
On ne peut, en effet s’allier avec un parti qui pratique le double langage, qui cache ses intentions véritables et qui, dés lors ne donne aucune assurance alors qu’il faut du sérieux pour diriger un pays.

Et tant mieux que BCE se retourne vers les progressistes, pour ne travailler qu'avec ceux qui regardent vers l'avenir et plus du tout avec ceux qui regardent en arrière parcequ'ils n'ont pas fini de digérer leur histoire personnelle au point de vouloir sacrifier la Tunisie pour assouvir leur haine et leur désir de vengeance; faisant des tunisiens les otages de leurs ressentiments ! D’ailleurs il annonce qu'il aura un entretien ces jours-ci avec les dirigeants de "Jabha chabia"  le Front populaire

Souhaitons que dans ce dialogue avec le Front Populaire, chacun  se décide en fonction de l’essentiel, à savoir la préservation du caractère progressiste de la Tunisie. Il faut que le Front populaire ait une position responsable qui tienne compte de la réalité  du pays et que Nidaa Tounes accepte d’intégrer dans son programme un réel volet social. Car le social est absolument indispensable pour la réussite à moyen et à long terme de ce nouveau pouvoir pour diminuer les zones de pauvreté qui sont le vivier des obscurantistes.

Désormais, le cap est clair ! 

BCE rappelle aux tunisiens qu'il leur faut choisir entre deux conceptions civilisationnelles diamétralement opposées, et les appelle à choisir la direction qu'ils veulent prendre pour leur avenir et celui de leurs enfants :
- aller de l'avant avec ceux qui veulent ancrer la Tunisie dans la modernité, en votant pour BCE, ou  
- revenir en arrière avec ceux qui veulent la faire régresser en choisissant Marzougui et la troïka dont il a fait partie et qui le soutient avec les salafistes, les jihadistes et les voyous de sa milice LPR !

Car c'est ainsi que fonctionnent les démocraties : en cas d'absence de majorité pour un parti, il est normal que le parti arrivé en tête des élections cherche parmi ceux avec qui il partage les valeurs essentielles, des alliances. D'ailleurs c'est ce que les tunisiens dans leur majorité réclamaient depuis le début; et avec plus d'insistance depuis l'entrevue de Ghannouchi avec BCE à Paris , craignant que celui-ci ne cède aux chants de la sirène des Frères musulmans comme le firent Mustapha Ben Jafâar et Marzougui. Quoique ce dernier, n'était qu'un crypto-islamiste comme le découvriront à leur dépens ses électeurs ... et dont le parti CPR n'était selon sa co-fondatrice Om Ziad, qu'un nid à des nahdhaouis faisant de ce parti un Nahdha Bis depuis l'arrivée des Frères musulmans notoires tels que Imad Dayimi, Slim Hdidane et Abdelwahab Maatar dans ce parti !

Le seul argument qui sous-tendait la proposition d’alliance avec Ennahdha, était que les islamistes existent et qu’ils représentent une force dont il fallait tenir compte ! C’est un argument sans portée. Car il faut creuser ce qu’il signifie. Qu’aurions-nous  accepter de ce parti ? Sa conception rétrograde du droit des femmes, son instrumentalisation de la religion et sa manière de faire de la politique dans les mosquées ? Tant qu'Ennahdha continuera de prétendre fonder son action sur la religion, il faut la combattre. D'ailleurs qu'auraient pu proposer les nahdhaouis comme programme autre que celui de l’organisation internationale des Frères musulmans ? Il n'y a qu'à voir ce que fait leur "frère" Recep Tayip  Erdogan en Turquie, model pour Ghannouchi ! Depuis leur prise de pouvoir, les Frères musulmans n'ont cessé de diffuser dans la société turque le wahhabisme, qui fonde leur action politique. N'essaie-il pas de saper les fondements de la république par petites touches ? N'envisage-t-il pas de supprimer la laïcité de la constitution ... pour s'acheminer vers son remplacement purement et simplement par la chariâa ?

Si jusque-là le processus démocratique en Tunisie marchait sur la tête parce qu’impulsé par les Frères musulmans nahdhaouis qui ne croient nullement en la démocratie, concept dont il n'y a pas trace dans le coran et pour cause, il est occidental vous rappellent avec mépris les plus extrémistes; au point que l'opposition s'est laissée mener par le bout du nez pour accepter de nouveaux concepts (trouvailles de qui ?) tels que : "le consensus", "le dialogue national", "le vivre ensemble des partis" (taâyouch), "un gouvernement d'union national" .... Il n'y a qu'à voir l’organisation des élections, d'avoir fait précéder les législatives avant les présidentielles ! Ce qui est une "bidaâ" (innovation), pour reprendre un terme très usité hypocritement par les wahhabites, pour dissuader les croyants de toutes pratiques autres que celles prescrites par la wahhabisme en Arabie ! Alors que dans toutes les démocraties,  les présidentielles précédent toujours les législatives !

Alors que toutes les démocraties fonctionnent de façon claire : un parti ou plusieurs au pouvoir et une opposition composées des partis minoritaires. Ce qui a le mérite de la clarté du cap pour le pays et pour les électeurs ! Celui ou ceux qui gouvernent assumant entièrement la responsabilité de leurs choix d'orientation !

L’ambiguïté en politique est source de désintéressement des peuples vis-à-vis de la politique ... et seuls les hommes d’Etat qui défendent un vrai projet sont suivis. D’une certaine manière c’est l’ambiguïté  qui explique, en partie, l'abstentionnisme de certains.

Rachid Barnat



PS : il est regrettable que de telles interviews soient entrecoupées par de la pub !

jeudi 27 novembre 2014

TARTOUR LE DÉMOCRATE !

Article paru dans : Kapitalis

Après avoir adapté son discours pour séduire les électeurs de Ghannouchi pour le premier tour des élections présidentielles, dont il sait qu'il ne peut en mobiliser d'avantage; voila qu'il se retourne vers les démocrates pour le second tour, dans l'espoir de séduire leurs électeurs ... en lançant pour slogan : " Je représente tous les démocrates ! ". Comme il avait claironné qu'il était le premier président de la République, élu par le peuple ... lui qui n'était élu que par 7000 tunisiens en tant que constituant et qui ne doit son poste de président qu'au bon vouloir de Ghannouchi !!

Mais sa modestie ne semble pas l'étouffer !!!

Il prend les tunisiens pour des imbéciles de se présenter à nouveau comme un démocrate ! S'il a pu leurrer 7000 d'entre eux la première fois en 2011, je pense qu'ils ont bien vu ce qu'il en est de la "démocratie tartourienne" pour ne pas retomber dans le piège de ses beaux discours creux où le verbiage le dispute à la fausseté !

N'est-ce pas lui qui a menacé de dresser les potences pour pendre tous ceux qui le critiqueraient ?
N'est-ce pas lui qui a menacé de prison toute personne qui oserait médire du Qatar, model par excellence de démocratie, comme tout le monde sait ?
N'est-ce pas lui qui a formé les fameuses LPR (Ligue de protection de la révolution) que les tunisiens ont très vite compris que ce n'était que sa milice composée par les repris de justices qu'il libérait et par des voyous sans foi ni loi ?
N'est-ce pas lui le démocrate et droit-de-l'hommiste qui n'a pas levé le petit doigt pour les journalistes et les artistes que Ghannouchi voulaient faire taire; et dont certains sont encore en prison dans son indifférence la plus totale ?
Ce ne sont pas ses miliciens qui ont empêché le maire de Sidi Bou Saïd de rendre hommage à Chokri Belaid en donnant son nom à une place dans ce village ?
Ce n'est pas lui et ses amis qui ont insulté l'intelligence des tunisiens lors des élections législatives les accusant d'avoir mal voté ... parce qu'ils ont réduit presque à néant son parti le CPR ne lui accordant que 3 sièges ?
Et que dire de son engagement de démissionner si dans les 6 mois après sa prise de Carthage, ses promesses électorales ne seraient pas tenues ? Non seulement elles ne le furent pas, mais en plus il s'incrustait au poste de président alors que de toute part il est décrié pour avoir humilié le peuple tunisien et contribué à détruire l'image de la Tunisie dans le monde par ses prises de positions ubuesques ! Ignorant superbement que son mandat de constituant est fini depuis le 23 octobre 2012, au grand mépris des règles démocratiques !

Curieuse conception de la démocratie de la part du démocrate tartour qui ne cesse de rappeler son militantisme de 30 ans pour les droits de l'homme et dont on sait en quoi cela consistait : il remettait les dossiers de ceux qui se plaignaient du régime de ZABA à la LDH qu'il présidait, aux services secrets de ZABA !
D'ailleurs en 3 années de pouvoir provisoire, les tunisiens ont pu voir à l'action le droit-de-l'hommiste complice d'Ennahdha qui envoyait les jeunes tunisiens se faire massacrer en Syrie et les jeunes tunisiennes partir en Syrie assurer la prostitution "halal" !
En réalité, les droits de l’homme n'étaient pour tartour que ce qu'est l'islam pour Ghannouchi : un discours subversif au service d’une ambition maladive de pouvoir ! 

Mais alors comment explique-t-il sa renaissance après la mort de son parti le CPR, en obtenant 33 % des votes lors du 1er tour des présidentielles ? 

Il peut remercier Ghannouchi qui à nouveau est venu à son secours; comme il le fit en 2011 en mobilisant les nahdhaouis pour donner leurs voix au démocrate qu'il prétend être : parcequ'un frère musulman soutient toujours son frère musulman ... même si le crypto-islamiste qu'il est, nie avoir été Frère musulman, tout comme Ghannouchi nie son appartenance aux Frères musulmans !!

Ce qu'oublie Tartour, c'est qu'il ne peut ni lui ni les CPR-istes continuer à duper les tunisiens : ils savent ce qu'ils sont et savent qu'ils peuvent être pire que les nahdhaouis dont ils manient aussi bien qu'eux la langue de bois, le mensonge, le double langage et la violence !!!

Rachid Barnat



Que Marzougui perde ou perde, Nidaa Tounes est gagnant !

Et si finalement, Tartour n'était que le dindon de la farce de Ghannouchi ?
R.B
Slaheddine Dchicha
Universitaire franco-tunisien à la retraite
Le dimanche 23 novembre, le Parti islamiste Ennahdha a accompli un miracle. La résurrection de Moncef Marzouki. En effet, un mois auparavant, juste après les Elections législatives durant lesquelles le CPR,  le parti du Président provisoire s’est effondré  et n’a obtenu  que de  médiocres performances (un peu plus de 2% et 4 élus), personne n’aurait parié un millime sur Monsieur Marzouki et la plupart des analystes lui prédisaient le même naufrage que ses anciens alliés Monsieur Ben Jaafar et son parti Ettakattol.
Or, voilà qu’un mois plus tard, ce président sortant, impopulaire et au plus bas dans les sondages, se refait une santé et obtient à la surprise générale 33,43%  des suffrages, ce qui le qualifie au deuxième tour des Elections Présidentielles.
Les analyses pour tenter de comprendre et d’expliquer cet événement étant légion, il serait plus intéressant de se pencher sur ses conséquences et ses prolongements.
En premier lieu, le retour de M. Marzougui  au premier plan, nous éclaire sur la scène politique tunisienne et sur les rapports de forces en présence. Ainsi fort de la confirmation des résultats des Législatives, nous pourrons mieux  apprécier le poids réel d’Ennahdha puisque les résultats et le classement de Monsieur Marzougui aux Présidentielles et ceux d’Ennahdha aux  Législatives  sont presque identiques. Et c’est déjà là un motif de satisfaction pour NidaaTounes puisqu’il voit son leadership incontesté.
Le soutien «clandestin» à un candidat malgré les déclarations publiques, montre si besoin est que le parti islamique n’a pas changé, il reste plus que jamais fidèle à sa stratégie et à ses façons de faire et notamment au double discours. Ce double discours révèle d’une part que le parti n’est pas homogène puisqu’il se trouve en son sein des dirigeants qui prêchent et conseillent la neutralité et des militants qui passent outre et votent pour M. Marzougui. Il révèle aussi l’indécision du parti entre le soutien à Marzougui pour exercer une pression sur BCE aujourd’hui et s’il le faut plus tard, et la neutralité afin d’attirer les bonnes grâces de BCE et de le faire pencher vers un gouvernement d'unité nationale.
Les résultats nous éclairent aussi sur la véritable nature de Moncef Marzougui. Le Président-candidat constitue un cas d’école pour quiconque s’intéresse un tant soit peu au changement de l’humain sous l’effet du pouvoir. En effet, quiconque aurait connu ne serait-ce que de loin Monsieur Marzougui, aurait le vertige au vu de son itinéraire et de sa mue. Voilà un homme qui inaugure sa vie politique en militant pour les droits de l’homme et qui semble la clore par l’adhésion aux valeurs d’une extrême droite musulmane. Moncef Marzougui voue au pouvoir un amour tellement  immodéré, une passion tellement ravageuse qu’ils lui font adopter tous les moyens pour le conserver : opportunisme, populisme, démagogie, machiavélisme… et tenir tous les discours : celui des supposés gardiens de la révolution mais aussi celui des Islamistes et celui des plus radicaux, les Salafistes…


Ayant fait le plein des voix nahdhaouis, et n’ayant aucune réserve et ne bénéficiant que de reports dérisoires, M. Marzougui n’a aucune chance au deuxième tour d’autant que les citoyens ont été témoins de sa capacité de nuisance à travers ses agitations : la lettre à BCE, l’exigence d’un pugilat télévisuel…



Quant à Nidaa Tounes et son leader BCE, du fait du comportement d’Ennahdha, ils se trouvent  libérés de toute velléité d'associer ce parti à un gouvernement  «d’unité nationale» d’autant que cette alliance serait à plus d’un titre néfaste :

  • Elle susciterait l’Incompréhension des cadres et militants de Nidaa et pourrait même ébranler sa cohésion et entamer son équilibre.
  • Elle ferait fuir les forces démocratiques et séculières.
  • Elle signerait le retour des islamistes aux affaires pour continuer leur entrisme dans les rouages de l’état, familiariser les Tunisiens à leur présence et surtout islamiser la société tunisienne, leur ultime objectif.
Donc il faut maîtriser la peur de gagner, ne pas trembler et refuser cette alliance inutile car, en 2015, la Tunisie doit, dans tous les cas de figures, inaugurer la nouvelle année par  un nouveau Président de la République.

Machiavélisme des Frères musulmans, ou quand Ennahdha se joue des démocrates !

Ennahdha continue à mener la dance et à tourner en bourrique les démocrates !
Impossible que cela soit l'œuvre du gourou. Il est certainement conseillé par des experts mandatés et payés par ceux qui tirent les ficelles du poulain de l'émir du Qatar !

Vivement que les démocrates se ressaisissent pour débarrasser la Tunisie des traîtres Ghannouchi et son frères tartour et faire barrage à tous ceux qui les soutiennent de l'étranger : EU + UE + Qatar !
Ils n'ont d'autre choix que de prendre une position claire et nette vis à vis de l'islam politique !!
R.B 

La manœuvre habile de Marzouki ou quand Beji Caied Essebsi est pris au piège…

La lettre de Moncef Marzouki à l'attention de Beji Caied Essebsi l'invitant à former le gouvernement dévoile une stratégie politique d'une grande habileté. Elle porte indéniablement l'empreinte d'Ennahdha et de son fin limier et tacticien, et confirme, si besoin était, que les "manœuvres" consensuelles depuis l'amorce des rencontres entre les chefs des deux "grands partis" et le démarrage du débat national n'ont été qu'un leurre qui forcément n'a engagé que ceux qui y ont cru.
L'ambivalence du parti islamiste n'est pas une révélation, elle relève de la maîtrise stratégique des représentants de l'islam politique, autant qu'elle la démontre. Et quelle que soit la position qu'on a vis-à-vis de ce parti, il serait naïf et irresponsable de le lui reprocher. Marzouki a profité du soutien non déclaré mais réel d'Ennahdha, c'est un fait mais non un délit. Les deux protagonistes ont habilement manœuvré.
Acte un, Ennahdha intègre le Débat National. Il s'est engouffré dans la brèche qui lui a grandement ouvert la voie de la normalisation, aidé en cela par différents protagonistes, depuis le quartette, jusqu'à certains de ses adversaires politiques en passant par le gouvernement de technocrates, et surtout par l'amnésie de l'électeur. Ce qui l'a amendé de son bilan catastrophique, tant sur le plan strictement technique de la gestion de la vie publique, qu'idéologique avec les dérives qui ont laissé s'installer subversivement violence, assassinats politiques et terrorisme.
Acte deux, les élections législatives. Nida Tounes qui s'est fait le porte drapeau d'un certain héritage "moderniste" s'est présenté comme l'unique barrage au retour de l'islam politique au pouvoir en faisant de l'opposition entre deux projets de société son principal thème de campagne. Mais le principal adversaire d'Ennahdha, arrivé en tête de scrutin, suivi d'assez prêt par Ennahdha, soucieux de préserver des équilibres probablement liés à certains arrangements politiques, et préoccupé par la présidentielle, a tenté de neutraliser son adversaire, dans un jeu de séduction pour le partage du pouvoir. Le doute a été entretenu par les déclarations en faveur du consensus "le plus large possible", en surfant sur l'ambivalence sémantique de la cohabitation et de l'alliance. Et avec la bénédiction du dialogue national, Nida Tounes a reporté la formation du gouvernement à l'après élections présidentielles. En façade, Ennahdha a cédé et n'a soutenu aucun candidat aux présidentielles.
Acte trois, Moncef Marzouki, dont le parti n'a pas participé au dialogue national et donc est affranchi de tous ses engagements, et alors qu'il est candidat aux présidentielles, remet sa casquette de président sortant, mais en exercice, et lance son injonction. Quelle que soit l'interprétation qu'on peut faire du texte constitutionnel, cette manœuvre, par son message politique, met le parti vainqueur aux législatives et son candidat aux présidentielles devant trois difficultés. D'abord, le retour vers "l'institution" du dialogue national, qui reste une institution informelle, amène le débat dans l'arène du respect de la Constitution et des Institutions. Elle offre aux détracteurs de Beji Caied Essebsi la possibilité de brandir l’argument de la transgression de la Constitution, des Institutions et de fait de l'Etat de Droit et les conforte dans leur principale rhétorique du retour des anciennes pratiques. Ensuite, elle accroît la pression sur Nida Tounes amené à plus de clarté quant à ses ententes avec Ennahdha, d'autant plus que la nouvelle assemblée est appelée à se réunir au cours de la semaine prochaine, avec ce que cela comporte d'investitures, dont la présidence de l'assemblée, et formation des commissions, et que Ennahdha laisse entendre qu'il devra se prononcer sur son report de voix dans les jours qui viennent. Enfin, Nida Tounes est certainement conscient que les promesses du parti islamistes ne représentent aucune garantie. Il est forcément pris entre deux feux. Accorder des concessions à Ennahdha au risque d'être, quand même, "roulé dans la farine", ou se radicaliser et prendre ses distances de ce parti et l'avoir dans une opposition frontale déclarée.
La marge de manœuvre de Beji Caied Essebsi est très serrée. Il lui faut prendre en compte plusieurs paramètres.
Il a quasiment fait le plein de son électorat. La géographie électorale ne lui est pas favorable dans les régions ou chez les catégories d'électeurs en rupture ou en quête d'un certain changement. Il lui faut nécessairement convaincre une partie de ces électeurs et surtout coopter des abstentionnistes. D'autant plus qu'il ne peut pas compter sur des consignes de vote dans un contexte où la discipline partisane n'est pas ancrée dans les traditions politiques, en dehors du principal parti idéologique, en l'occurrence Ennahdha.
Le thème de campagne des législatives, appuyé sur l'opposition de deux projets de société, n'est pas porteur pour les élections présidentielles et serait une rhétorique d'arrière-garde. De la même manière, la stigmatisation du candidat Marzouki, et la focalisation sur la nature des soutiens dont il a pu bénéficier ne peut que lui profiter sans accorder plus de crédit à son adversaire. Elles sont même contre productives, particulièrement vis à vis d'une tranche de l'électorat, qui ne manque pas d'afficher son scepticisme à l'égard de la "démocratisation" de Beji Caied Essebsi. Le retour à une campagne de pugilat, d'échanges d'accusations, de violences verbales qui peuvent rapidement et facilement dégénérer en une situation à haut risque, ne pourra, sinon aggraver la tendance abstentionniste, la maintenir au même niveau.
Finalement, les seules chances de Beji Caied Essebsi dépendront de l'affirmation de la ligne gouvernementale de Nida Tounes qui lui permettra de "fixer" un électorat clairement coopté sur la rupture avec l'islam politique, quitte à perdre définitivement un appui hypothétique d'Ennahdha qui sera toujours incertain. D'autre part, elles résident dans un changement de sa stratégie de campagne et ne pourront croître que par une vraie déconstruction politique de Moncef Marzouki. Celle-là ne peut pas faire l'économie d'un débat direct, sur le bilan et le passif, certes, mais sur les perspectives et la capacité à inverser la donne politique en adéquation avec les prérogatives du chef de l'Etat. L'attitude fuyante de BCE le dessert et affaiblit sa supposée posture d'homme d'état, porteur de la vision de l'homme d'état et capable d'affronter et de gérer les crises.
Contrairement au sacro saint principe de « consensus », servi au nom du salut public, mais qui est plutôt un subterfuge au service d'arrangements politico partisans, ce choix clivant sera la meilleure option dans l'intérêt du pays, indépendamment des résultats du deuxième tour des présidentielles et du futur locataire de Carthage. Il offrira une ligne politique claire de gestion et de gouvernance, sans la moindre équivoque, et donnera de la visibilité aux électeurs qui devront, à la fin de cette législature, assumer leurs choix, les évaluer et éventuellement les réajuster.

lundi 24 novembre 2014

Les leçons à tirer des élections présidentielles


Le militantisme comme faire valoir pour Chebbi et bien d'autres militants ... les tunisiens n'en veulent plus ! 
Et pour cause : pour avoir eu à payer les "professionnels" du militantisme, cela leur est resté à travers la gorge !! 
Mais alors le militantisme étant dévoyé par les "professionnels", céderait-il la place à l'affairisme ? 

R.B 


Comment diriger un pays où Slim Riahi dépasse Ahmed Néjib Chebbi ?

Déception dimanche chez les partisans du camp démocrate et moderniste. On s’attendait à ce que Béji Caïd Essebsi passe dès le premier tour. C’est la première leçon de ce scrutin qui nous en donne plusieurs d’un coup : rien n’est jamais joué à l’avance et tout peut arriver avec les sales coups. Et des sales coups, il y en a eu. 

Deuxième leçon du scrutin présidentiel du dimanche 23 novembre et elle est adressée aux candidats à l’égo surdimensionné : descendez de votre tour d’ivoire et soyez plus attentifs à ce que disent les médias et les instituts de sondage. 

Troisième leçon de ce scrutin, il ne sert désormais à rien de militer pour des causes qu’on croit justes. Quand on voit Slim Riahi, natif de 1972 et milliardaire on ne sait trop comment, obtenir dix fois plus d’électeurs qu’Ahmed Néjib Chebbi et Mustapha Ben Jaâfar, militants de longue date, il y a de quoi réviser tous les manuels politiques, déontologiques et éthiques. Quand on voit le même obtenir dix fois plus que Mondher Zenaïdi et Kamel Morjane, connus pour leurs compétences, il y a de quoi s’interroger sur l’intérêt d’avoir poursuivi ses études dans les plus prestigieuses écoles et d’être passé par les plus grandes instances internationales et les plus hautes institutions de l’Etat. 

Quatrième leçon de ce 1er tour du scrutin présidentiel, et on ne fait que radoter, il ne faut jamais faire confiance aux islamistes, ni à Moncef Marzouki, tant leur double discours est flagrant. Seuls les naïfs continueront à les croire et des naïfs, il y en a par milliers, visiblement. 

Cinquième leçon, le taux d’abstention, très élevé. Sur une population de 7,5 millions d’électeurs potentiels, seuls 5,5 millions se sont inscrits et seuls 3,5 millions sont passés aux urnes. Où sont les autres ? Veulent-ils de la démocratie ? Comment les sensibiliser à la vie politique et civile et comment leur expliquer qu’ils ont des devoirs envers leur pays ? 

Vous vous rappelez de la conférence de presse présidée jeudi dernier par Zied Laâdheri ? Vous vous rappelez du communiqué d’Ennahdha jeudi soir ? Le parti islamiste a bien dit et répété qu’il ne soutenait aucun candidat à la présidentielle. Ça c’était pour les naïfs et crédules, pour l’opinion internationale et les diplomates qui voient, en ce discours, un gentil parti islamiste, pacifique, démocrate et tutti quanti. Sur le terrain, les choses sont différentes. Le parti islamiste a soutenu fortement Moncef Marzouki. Les milices des LPR et les voyous déchainés étaient là pour soutenir le président sortant avec l’appui des islamistes les plus radicaux.
Moncef Marzouki a usé jusqu’à la moelle de double discours durant toute la campagne électorale. Passons, Business News l’a traité en fond et en large. Je m’arrêterai à la seule soirée du dimanche quand il a dit être le candidat du camp démocrate et qu’il a adressé un vœu à son adversaire politique à rehausser le niveau et à détendre l’atmosphère. Ça c’était pour les naïfs et crédules, pour l’opinion internationale et les diplomates qui voient, en ce discours, un gentil président laïc et républicain. Au même moment, et je dis bien au même moment, ses « dirigeants » du CPR insultaient les médias et ce même adversaire politique. Lui-même Moncef Marzouki, après la conférence de presse, est allé poster un tweet pour défier (et le terme est le sien) Béji Caïd Essebsi dans un duel télévisé. C’était là l’explication des premiers et quatrièmes points. 

Pour ce qui est des deuxième et troisième points, le scrutin du 23 novembre a constitué une véritable claque pour la majorité des candidats qui se voyaient déjà présidents. Je pense notamment à Larbi Nasra, Safi Saïd, Samir Abdelli, Yassine Chennoufi et toutes ces personnes dont on n’entendait jamais parler. En tant que médias, nous étions obligés de couvrir leurs activités et en tant que contribuables, nous étions obligés de les financer. Quand bien même ils sont dans l’obligation de rembourser l’avance obtenue. Qu’ils fassent de la politique, s’ils le veulent, mais qu’on ne nous les impose pas avec des lois ! 

Ce qui fait mal, ce sont les autres candidats qui sont connus et respectés par l’opinion publique. Respectés pour leur militantisme et engagement sincère envers la démocratie et les libertés, soit Kalthoum Kennou, Ahmed Néjib Chebbi et Mustapha Ben Jaâfar. Ou respectés pour leurs services rendus à l’Etat et à la nation, alors qu’ils exerçaient sous une dictature, soit Mondher Zenaïdi et Kamel Morjane. 
Oui, ça fait mal de voir ces gens là écartés des élections avec un score si bas. Quelques milliers de voix. A eux cinq, ils ne récolteraient pas 3%. Nonobstant les erreurs dramatiques des uns et des autres durant leur carrière politique (et c’est le cas notamment de MM. Ben Jaâfar, Zenaïdi et Morjane), ils ne méritent pas une telle claque. Le « peuple » a fait part d’une réelle ingratitude à leur égard. Il leur a préféré des hurluberlus (d’autres, pas les premiers) comme Slim Riahi ou Hechemi Hamdi qui ont su toucher le citoyen sur une code sensible : l’argent ou le populisme. C’est frustrant. Comment faire face à un peuple pareil qu’on peut tromper si facilement ? Il n’y a pas de recette prête à l’emploi, mais le futur gouvernement doit prendre les dispositions nécessaires pour faire face aux intrus de tous bords. Le code électoral a prévu d’extraordinaires bêtises dans ses textes, mais il n’a pas prévu d’imposer un contrôle fiscal approfondi ou un rapport des services secrets nationaux et internationaux à ces « leaders politiques » de la dernière heure. Il faudrait peut-être y penser pour assainir le paysage. L’Italie a eu longtemps honte de son Berlusconi et c’est l’appareil judiciaire et les médias qui ont fini par l’abattre. Suivons l’exemple de notre très proche voisin et donnons aux magistrats et aux journalistes le moyen de bien travailler pour contrer les impostures. 

Restent les millions de citoyens qui se refusent encore de participer à la vie publique de leur pays et c’est le cinquième et dernier point. Il est corrélé aux précédents. Une fois la vie politique assainie, une fois que les magistrats exercent leur travail en toute indépendance, que les médias font leur boulot en toute liberté, et que les politiques cessent de mentir sur leurs projets, leurs alliances, leurs programmes et leurs parcours, les citoyens, communs des mortels, finiront par s’intéresser à la vie publique. Ce ne sera jamais du 100%, certes, mais ce n’est pas non plus dans ces pareilles proportions dramatiques. Le citoyen a besoin d’être rassuré, de voir de vrais modèles d’exemplarité le diriger et le mener à bon port. Quand il voit un voyou par ci et un menteur par là, il ne saurait faire confiance à la classe politique et, de là, s’intéresser à elle. 

UNE DÉMOCRATIE QUI MARCHE SUR LA TÊTE !

OU QUAND L’INGÉRENCE ÉTRANGÈRE ET LES PÉTRODOLLARS SE MÊLENT DE LA DÉMOCRATIE EN TUNISIE !

Les Frères musulmans nahdhaouis ayant exigé, imposé et obtenu que les élections législatives précédent les élections présidentielles, contrairement aux pratiques dans les vieilles démocraties. Voilà deux élections avec des résultats pas logiques, c'est le moins que l'on puisse dire !

- Le 26 octobre aux élections législatives, les tunisiens ont sanctionné les partis au pouvoir responsables du chaos et de la régression du pays en à peine 3 ans aux commandes ... comme cela arrive dans toutes les démocraties !
Sauf que la sanction n'a visé que CPR & Ettakattol et non Ennahdha qui était seule aux commandes ! 
Puisque Ettakatol n'a obtenu aucun siège au parlement et CPR à peine 4 ... alors qu'Ennahdha a récolté 68 sièges !
Si cela prouve que CPR & Ettakatol ne représentent plus rien pour les tunisiens, on s'étonne que les islamistes dont les adhérents et sympathisants sont estimés à 850 000 tout au plus, aient pu avoir un tel score !

Si les tunisiens semblent faire peu de cas du militantisme que certains exhibent telle une carte visite et ont sanctionné bons nombres de "militants", par contre ils semblent céder à l'affairisme de certains hommes d'affaire tels que Slim Riahi et Hachemi el Hamdi ! 

- Le 23 novembre, aux élections présidentielles, si les tunisiens ont confirmé la mort politique de Mustapha Ben Jafâar ( estimation : 0,5 %), comment expliquer que Tartour récolterait selon les estimations sortie des urnes, plus de 32 % ?

Cherchez l'erreur !!

Cela prouve bien que le jeu démocratique est faussé par l'intervention de l'argent qui a du couler à flot (Et que font l'ISIE et la HAICA ?), et que l'ingérence étrangère, et plus particulièrement celle du Qatar, est flagrante !
N'oublions pas que Ghannouchi est le poulain de l'émir du Qatar et que Tartour est le poulain de Ghannouchi alors qu'il affirmait que son parti ne soutiendra aucun candidat; on découvre comme d'habitude tout le contraire ... puisque même Aljazeera annonçait la victoire de Marzougui des jours avant avant le scrutin !!

Rachid Barnat

mardi 18 novembre 2014

L'islamisme au service des hommes politiques en Occident

Si l'analyse de l'instrumentalisation de l'islamisme par l'occident est intéressante, la conclusion de Fathi Benslama qui se veut optimiste, quand à l'éventuelle révision doctrinale des partis islamistes (dont les Frères musulmans, les mieux organisés que soutiennent EU, UE et pétromonarques), me laisse sceptique car si comme il le préconise, ces partis délaisseraient la religion, ils se renieraient; puisque ce sont le "coran + chariâa " qui fondent leur politique !
R.B  

L’occident et l’islam politique : « Daech, la créature a échappé à ses créateurs »

Presse, intellectuels, hommes publics et responsables gouvernementaux occidentaux ont sans cesse fait montre de sympathie, de complaisance, voire de complicité, en Tunisie et ailleurs, à l’égard de l’islam politique. Nous avons interrogé à ce sujet Fethi Benslama, psychanalyste, professeur à l’université, qui connaît bien l’intelligentsia et les médias européens et américains.

Pouvez-vous nous éclairer sur les rapports de l’Occident avec l’islamisme ?

L’Occident n’est pas un bloc homogène, même si l’islamisme politique et guerrier a accru dans les opinions publiques la détestation de l’islam et alimenté le racisme antimusulman. En retour, il s’est nourri du rejet auquel il a contribué, car la stigmatisation des enfants de migrants est devenue un ressort identitaire du ralliement de nombre d’entre eux à son idéologie. Dans les médias, l’islamisme fait vendre, parce que la communication se fonde prioritairement sur le mal : de quoi y parle-t-on, sinon des calamités, des méchancetés, des horreurs ? Les islamistes sont des fournisseurs réguliers sur ce plan, que ce soit à travers les mascarades identitaires ou les têtes coupées. Quant aux pouvoirs publics, à l’intérieur ils les surveillent, ils peuvent en faire les représentants des musulmans pour les contrôler, ils leur confient même une mission d’encadrement dans les quartiers difficiles, mais lorsqu’ils dépassent certains seuils de violence, ils les répriment. 

A l’extérieur, c’est une force qu'on manie au gré des intérêts , d’autant que des pays alliés des Etats européens et américains sont les pourvoyeurs idéologiques, financiers et militaires de l’islamisme. Les intérêts autorisent le cynisme, le mensonge, le double discours. De fait, les islamistes sont à la fois ennemis et alliés des puissances occidentales, avec une zone à risque certes, car ça peut passer d’un côté ou de l’autre selon les circonstances. Les exemples abondent : le dernier en date est l’utilisation des jihadistes pour faire tomber le régime syrien. Au bout de la manipulation, vous avez Daech. La créature a échappé à ses créateurs, comme dans d’autres cas. Les islamistes ont une tactique virale, ils mutent vite et ils sont jetables. Ils servent le double jeu occidental avec l’islam : la reconnaissance et le rejet, l’islam et l’anti-islam. Ne pas oublier que le mot «islamisme» désignait auparavant la religion islamique proprement dite, comme le judaïsme et le christianisme. 

Pourquoi la gauche européenne a-t-elle soutenu les Frères ?

Pour une partie de la gauche, les islamistes représentent les opprimés des quartiers pauvres et aussi ceux qui résistent à l’occidentalisation. Ils condensent les humiliés de la différence de classe et de la différence culturelle. Les aspects réactionnaires de leur idéologie, par exemple avec les femmes, sont amnistiés. Cette position est dictée par le lavage de la mauvaise conscience du dominant. En revanche, les démocrates musulmans éveillent la culpabilité et le soupçon, car ils incarnent aux yeux de cette gauche la réalisation de l’hégémonie occidentale. De plus, ils sont considérés comme indéfiniment minoritaires dans leur pays. Des chercheurs de cette mouvance ont écrit que les séculiers des pays musulmans sont culturellement au service de l’Occident, ils les traitent «d’islamophobes». L’invention «du musulman modéré» a eu du succès, parce qu’elle est le produit du relativisme absolu et du semblant chez une gauche dont le programme est de rater les trains de l’histoire. Pourquoi ne parle-t-on pas de « démocrate musulman », avec l’exigence qui va avec ? En fait, « le musulman modéré » est politiquement un radical qui a mis de la poudre aux yeux d’un social-démocrate européen, qui le veut bien.

Pourquoi la droite continue de soutenir les Frères ?

D’abord, il faut savoir que sur l’échiquier politique, il y a une large zone où gauche et droite se recouvrent, surtout quand ils gouvernent. Mais disons que pour une frange de la droite, les islamistes servent à radicaliser leur position et à se démarquer de la gauche. Il y a peu de sujets aujourd’hui qui leur permettent de se distinguer comme avec l’islam. Pour la droite radicale, les islamistes ne sont que les musulmans en tant que ennemis intra-muros. L’ennemi interne inassimilable constitue la menace immunitaire propre au nationalisme fascisant. D’autre part, l’intérêt stratégique avec la droite conservatrice avec les islamistes est d'affaiblir les potentialités des musulmans en les engluant dans des conflits surannés qui les retardent. Le modèle de cette stratégie est le Hamas vis-à-vis de l’Autorité palestinienne. Au final, les démocrates des pays musulmans sont pris en étau entre la gauche et la droite des pays occidentaux.

En Tunisie, les puissances occidentales exercent-elles des pressions pour qu’il y ait entente avec le parti Ennahdha ?

La Tunisie est à la fois l’objet d’un enchantement et de déception ; ou plutôt d’« inception » et de déception. « Inception », comme dans le fameux film, car voici que la démocratie, une idée étrangère, s’avère implantée dans le subconscient du sujet tunisien, qui se réveille comme si elle était sienne ! C’est un beau présage pour le monde arabe. Mais d’un autre côté, c’est une déception pour les théoriciens du recyclage des islamistes dans l’expérience du pouvoir, étant donné que la démocratie est réputée irrecevable chez des peuples où la religion n’est pas réformée. Peu importe les dégâts dans ces pays, les affaires marcheront bien comme avec les amis du Golfe, et les islamistes recyclés arrêteront le terrorisme. Avec l’expérience égyptienne, ce calcul s’est avéré faux, même si on aurait aimé que ça se poursuive jusqu’à son terme, dût-on en crever. Avec la Tunisie restait la possibilité de la poudre de modération islamique, version Ennahdha. Nous savons que dans ce mouvement, il y a des musulmans sages en termes de foi, mais lorsqu’il s’agit du pouvoir, il n’y a pas de sagesse dans la religion. La base d’Ennahdha est majoritairement incandescente et ses leaders éclairés composent avec cela. Les puissances occidentales donnaient Ennahdha gagnante avec une sous-hypothèse ravissante : le partage du pouvoir avec les séculiers pour éviter le cas égyptien. Peu importe l’incohérence et ses conséquences sur le pays, mais la realpolitik ne recule devant aucune chimère. Mais « The little big country » (surnom que je donne à la Tunisie) a fait vite le tour de la question et renvoyé les islamistes dans leur laboratoire. Tant que « le démocrate musulman », et non le musulman démocratisant, totalement opposé à la terreur au nom de la religion, apte à gérer les affaires publiques, n’a pas vu le jour, ils resteront dans leur laboratoire.

Et si Ennahdha parvenait à se soulager du religieux et de la prédication pour se consacrer à la politique et représenter la  droite conservatrice, frange constitutive de toutes les sociétés, à commencer par les plus modernes, cela pourrait être un cas d’école. Qu’en pensez vous ?

Ce changement ne viendra pas par une pure décision idéologique. Il n’est possible que si aux yeux de la majorité des électeurs d’Ennahdha, la religion cesse d’être une solution aux problèmes. Autrement dit, qu’ils ne pensent plus vivre dans une communauté de croyants mais dans une société de citoyens, fondée sur un projet social et politique. Bref, il faut que le pouvoir ne soit plus prenable au nom de Dieu, mais au nom d’un projet et d’une compétence humaine, éventuellement inspirée par des valeurs islamiques conservatrices. Et ça, ce sont les séculiers qui doivent en faire la démonstration dans l’exercice des responsabilités. A ce moment-là, n’ayant plus d’électeurs potentiels, la transformation du mouvement Ennahdha devient nécessaire pour survivre. Si Ennahda échoue aux prochaines élections municipales, certains de ses leaders commenceront à réfléchir sérieusement à la question.


Interview réalisée par Hella LAHBIB


Lire aussi : EU, pompier-pyromane

samedi 15 novembre 2014

SANDOUK II - L'ISOLOIR II

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Devant le succès de " Sandouk " (l'isoloir) après l'élection des constituants en octobre 2011, l'équipe récidive avec " Sandouk 2 " après les élections d'octobre 2014. 

Devant une salle comble, un public enthousiaste assoiffé de culture, est venu voir " Sandouk 2 " (ISOLOIR 2 ) où de jeunes acteurs dans une séries de saynètes autour des urnes des élections ou des boîtes des jeux télévisés, parodient les constituants mais aussi les invités de l'émission de Sami el Fehri " Dlilek Mlak " (reprise de celle diffusée sur TF1 et présentée par Arthur, " À prendre ou à laisser ") ... pour passer en revue tous les travers des hommes politiques tunisiens et plus particulièrement ceux des constituants qui ont transformé l'ANC en un cirque permanent donnant aux tunisiens un spectacle affligeant; et à travers lesquels ils découvrent les arcanes de la politique souvent de bas étage servie parfois par des personnages souvent incultes et vulgaires ... évidemment sur un ton humoristique .... d'où les rires de la salle, révélant un public averti de "la chose politique", que certains hommes politiques traitent encore comme des enfants, comme s'ils n'avaient pas compris que le tunisien n'ayant plus peur, n'a plus besoin de faire ni l'enfant ni l'idiot, postures adoptées face à Zine Alabidine Ben Ali qui le terrorisait. Infantilisation des peuples face à leur tyran, que ZABA entretenait par médias interposés : il suffit de se rappeler la qualité des feuilletons dont ils gavaient les Tunisiens ! 

Je suspecte Saber Oueslati qui a écrit les dialogues, d'avoir été inspiré par la fameuse idiote Sonia Toumiya, élue nahdhaouie, qui faisait rire toute la Tunisie par son personnage, son langage et ses idées aussi idiotes que saugrenues; au point que les Tunisiens la considèrent comme le clown de service, aux côtés d'Ibrahim el Kassas, l'autre personnage rustre et grotesque de l'ANC. Puisque c'est elle qui a proposé le plus sérieusement du monde, de créer "Dar echouhada" (la maison des martyrs) .... où les martyrs (les morts) pourraient se réunir !

En effet, le fil conducteur du spectacle, ce sont les fameux "chouhadas" (les martyrs de la révolution), belle trouvaille pour metteur en scène, qui dans leur linceul blanc immaculé viennent visiter les vivants pour prendre des nouvelles de la Tunisie post révolutionnaire pour savoir ce qu'il est advenu de la révolution pour laquelle ils sont morts !

Ce sera l'occasion pour énumérer les turpitudes des hommes politiques et des constituants plus particulièrement; et surtout leur dévoiement des objectifs de la révolution : Liberté, Justice et Dignité !

Et les gags de se suivre sur un rythme soutenu, joués par des acteurs qui "occupent" bien la scène ... dans une mise en scène digne des grands metteurs en scène.

Rachid Barnat

                                                   ****
Taoufik Jebali (directeur du théâtre " El Teatro " - Tunis) : 
Mise en scène : MOEZ GDIRI
Textes : Med Saber OUESLATI
Dierction artistique : Taoufik JEBALI

Avec : Yasmine DIMASSI - Hela AYED - Amira AZAIEZ - Abdelhamid BOUCHENAK - Med Saber OUESLATI - Abderahmane DOUIRA - Tarek BELKHECHINE - Souhaiel ABDELJAOUED - Hassan GHARBI - Kiros LANGSTON - Aziz JEBALI - Moez BEN RHOUMA
Régie plateau et Lumières : Sabri ATROUS 

Assisté par : Sofiane BEN YOUSSEF 
Son : Walid HASSIR
Costumes : Basma DHAOUADI
Presse & Relation presse : Zeyneb FARHAT
Chargé de communication : Med Karim El AMRI
Chargée de la production : Sourour JEBALI
Production : El Teatro 2014 - El Teatro studio

Avec le soutien du Réseau Euro- Med des Droits de l’Homme

jeudi 13 novembre 2014

N'EST-IL PAS TEMPS DE FAIRE LA PAIX AVEC BOURGUIBA ?

Habib & Wassila Bourguiba et Hajer leur fille adoptive

Voici ce que disait Jean DANIEL* de BOURGUIBA :

" BOURGUIBA est à mes yeux, le premier libérateur qui se soit débarrassé de tous les complexes habituels aux colonisés.
On a compris que j'avais un faible pour cet homme, et qu'aucun de ses égarements, qui ont été si nombreux, - j'en sais personnellement quelque chose - ne m'ont jamais retenu de l'aimer.
Cela vient de ce que mon jugement est de plus en plus nourri par la comparaison.
Si je le contemple, je le juge ; si je le compare, je le loue : j'en vois bien peu qui, le valent.
Cela vient aussi que je crois de plus en plus aux mythes et de moins en moins aux idéologies pour expliquer les rapports d'un homme avec une société.
Cela vient de ce que le chef arabe qui a montré le premier le chemin du gradualisme réformiste, qui a le premier indiqué la solution du conflit avec Israël, qui a émancipé les femmes et qui exècre la xénophobie habituelle aux jeunes nations, me paraît avoir fait preuve d'un courage moral dont le monde arabe procure peu d'exemples.
Mais j'ajouterais, bien sûr, que le " mythe - Bourguiba " a choisi de s'ancrer sur des rivages qui ont servi de décor aux plus belles lumières de mes refuges et de mes sources, et que j'ai pour cette terre comme le frémissement d'un imaginaire enracinement. "

Article paru dans : Kapitalis
A maintes reprises j'ai entendu çà et là, certains intellectuels tunisiens et étrangers, nous ressasser le "despotisme" de Bourguiba, oubliant le reste de son oeuvre.


Pourtant aux élections législatives, les tunisiens ont montré leur attachement au bourguibisme qui a façonné la Tunisie moderne puisqu'ils ont plébiscité Bourguiba à travers son élève BCE ... n'en déplaise aux grincheux qui n'ont pas encore fini de digérer leur histoire sous le régime de Bourguiba !
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Congrès de Radiologie ** - Tozeur Hotel au Sahara Palace - 1981

Pour juger Bourguiba, il faut le resituer dans son époque. Tous les "libérateurs" de leur peuple sont devenus dictateurs : Gamel Abdennasseur, Houari Boumédiene, Mouammar el Kadhafi, Fidel Castro ... 
Certes il a fini dictateur, mais son "dirigisme totalitaire" était éclairé et nécessaire pour imposer les réformes indispensables pour construire la Tunisie moderne et installer les institutions qu'il faut pour le bon fonctionnement de la République nouvelle, fondée sur la notion de nation. 
Si la Tunisie a été colonisée, c'est qu'elle est devenue colonisable disait Bourguiba, à cause de son retard civilisationnel !

Si vers la fin de sa vie la maladie l'avait amoindri, faut-il pour autant lui imputer toutes les dérives que nous avons connues depuis, et que nous savons qu'elles étaient du fait de la bande d'opportunistes qui l'a entouré pour exercer le pouvoir en son nom, passant souvent par sa nièce Saïda Sassi manipulable par les plus habiles d'entre eux ?

Il faut rendre à César ce qui est à César : jusqu'à la fin des années 60, il a été un despote éclairé; et sa lutte contre les communistes et les islamistes était justifiée ! 
L'histoire lui donne raison d'avoir préservé la Tunisie de leurs utopies.

La chute du mur de Berlin a marqué la fin du communisme et son rejet par les "intellectuels" qui l'ont soutenu. Quand à l'islamisme des Frères musulmans, clairvoyant Bourguiba très tôt a su que le pan islamisme qui le fonde, comme son pendant le pan arabisme, sont la négation même de l'idée de nation qu'il souhaitait affirmer en Tunisie. Car ce sont des utopies qui, comme toutes les utopies conduisent les peuples vers l’échec ! 

La prise de pouvoir par les islamistes, a été une occasion de remettre Bourguiba et son œuvre à l’honneur. Les Frères musulmans nahdhaouis et le "pan-arabo-islamiste" Marzougui voulaient détruire l'image de Bourguiba et son héritage, pour l'effacer de la mémoire des tunisiens ! Ils ont complètement échoué en réalisant le grand attachement des tunisiens à cet homme et à son oeuvre. A contre cœur, ils l'ont remis à l’honneur pour l'utiliser hypocritement dans leurs campagnes électorales.
Ainsi les farouches opposants à Bourguiba, Ghannouchi & Marzougui, multiplient les éloges et lui rendent hommage pour l'ensemble de son œuvre ... lui reconnaissant ne serait-ce que de les avoir instruits et éduqués grâce à l'école républicaine ... alors que dans un premier temps ils ont vilipendé sa mémoire croyant l'effacer de la mémoire des tunisiens !

Tout comme ZABA, qui en déboulonnant la statue de Bourguiba de l'avenue du même nom et en changeant le nom de son parti ("Parti socialiste destourien" devenu "Rassemblement constitutionnel démocratique") après avoir fait un hold-up sur ce parti, n'est pas parvenu à l'effacer en 23 ans de dictature, de la mémoire collective des tunisiens !

Alors je déplore que quelques uns trouvent encore à critiquer sans nuance Bourguiba, comme si l'Histoire de la Tunisie s'était arrêtée à leur histoire; oubliant, au passage, que si la révolution s’est déroulée à peu prés convenablement en Tunisie, c’est au travail de Bourguiba en matière d’éducation, de promotion des droits de la femme, d’installation d’une véritable administration moderne ... qu’ils le doivent !
Oui, il est curieux que certains intellectuels tunisiens comme dans une rengaine, rappellent à tout bout de champs le "despotisme" de Bourguiba !

Mon père Haj Boubaker Barnat, un résistant et un militant authentique, nationaliste convaincu, avait admis le despotisme éclairé de Bourguiba, lui qui n'avait que le certificat d'étude. Il avait admis "sieset el marahel" (la politique des étapes) pour imposer dans un premier temps à un peuple, dans son immense majorité illettré, qu'il soit instruit, qu'il soit débarrassé des carcans qui le maintenaient dans l'ignorance et l'obscurantisme, ayant compris que d'étape en étape, arrivera celle où le nouveau citoyen bénéficiera de plus de liberté et s'acheminera vers la démocratie à laquelle mon père croyait fermement ! Car comme disait Bourguiba lui même, s'il avait demandé démocratiquement son avis au peuple à propos du statut de la femme, il est certain que nos tunisiennes d'aujourd'hui ne seraient pas ce qu'elles sont devenues, persuadé qu'une société ne peut se moderniser sans l'émancipation des femmes !
Qu'elle n'a été la déception de mon père suite au congré de Monastir en 1971 quand l'ouverture vers le pluralisme et l'idée de démocratie naissante furent tuées dans l’œuf par ceux qui tiraient les ficelles à un Bourguiba déjà bien atteint par la maladie ... puisqu'ils vont le nommer président à vie (en 1974) s'assurant ainsi le pouvoir dans l'ombre du commandeur ! 
Il n'était pas le seul : En 1972, Béji Caïd Essebsi avait démissionné parce que Bourguiba qui souhaitait instaurer plus de démocratie a finalement renoncé sous la pression de son entourage, prouvant s'il en est besoin qu'il est un homme d'Etat qui sait démissionner et abandonner ses postes pour des valeurs supérieures !

Si par ailleurs mon père n'a pas apprécié le "coup d'état médical" commis par ZABA, il a cru néanmoins, comme bon nombre de destouriens et de tunisiens, en ses promesses de démocratie, de liberté de la presse, de la fin du parti unique, de la fin du culte de la personnalité, de la fin de la présidence à vie. Mais très vite il va déchanter comme beaucoup de destouriens qui ont rejoint ZABA, dont BCE; pour très vite se retirer déçus eux aussi de la tournure dictatoriale que prenait son régime !

D’ailleurs une lecture des résultats des élections législatives du 23 octobre 2014 montre bien l'attachement des tunisiens à la nation et à la République telles que Bourguiba le nationaliste et véritable patriote, les avaient voulues pour que son pays ne soit plus colonisable !

Et à contrario, ces mêmes résultats démontrent que les tunisiens rejettent les Frères musulmans dont ils ont découvert la doctrine nuisible pour le pays; puisqu'ils le livrent à un colonialisme d'un genre nouveau, le colonialisme politico-religieux du Qatar que fonde le wahhabisme 
Leur score aux législatives aurait du être voisin de celui de leurs alliés dans la troïka (CPR & Ettakattol). C'est à dire presque nul ! Les 68 sièges obtenus, ils les doivent au Qatar qui les finance et au soutien des EU&UE qui veulent faire plaisir à l'émir, en soldant leurs dettes envers lui sur le dos des tunisiens !

On ne peut donc, à mon sens, critiquer Bourguiba en totalité. Il faut distinguer deux périodes de sa vie : 
- la première où, par nécessité, face à un peuple qui sortait du colonialisme, mal instruit, encore dans des réflexes tribaux, il a, certes avec autorité, mais une autorité nécessaire, choisi pour son pays la voie du progrès et de la modernité; et 
- la seconde partie, où en raison de l’âge, de la maladie, de l’entourage, des habitudes du pouvoir, il n’a pas su compléter son œuvre par l’instauration de la liberté et de la démocratie. 

Voilà le jugement nuancé qui devrait être porté; et c’est à nous, aujourd’hui, nous appuyant sur ce qu’il a fortement fondé, d'aller vers une réelle liberté et une réelle démocratie et faire comme lui, barrer la route à l’obscurantisme moyenâgeux et aux utopies tombées dans la poubelle de l’histoire.

Rachid Barnat   

* Jean Daniel s'est fâché avec Bourguiba le jour où il a dit à celui-ci que les tunisiens sont murs pour faire de la politique grâce à sa politique d'Education Nationale, qu'il pouvait leur faire confiance, et sera étonné de voir les élèves dépasser le maître ... 
Bourguiba plus au courant de la dérive communiste en vogue alors dans les universités et les lycées et parmi les élites tunisiennes, lui a répondu " pas encore mûrs pour diriger un jeune Etat comme la Tunisie ! ".
D’ailleurs, Bourguiba avait nommé Ahmed Ben Salah, ministre aux multiple casquettes pour lui permettre d'expérimenter le "collectivisme" en vogue en ces temps là dans les pays communistes ! Les tunisiens s'en souviennent encore, avec amertume !
L'histoire donnera raison à Bourguiba lui qui s'est toujours méfié du communisme mais aussi de l'islamisme dont on voit les ravages qu'il fait dans le monde "musulman" !!
C'est cette clairvoyance que lui reconnaît tardivement Jean Daniel.

Lire Les deux fautes de Bourguiba selon Abdelwahab Meddeb

** avec Khalil Riadh HamzaHassen GharbiAbdelmonem KraïemNajoua GharbiAbdelkrim FouratiPr Ali FouratiDr Ahmed GhrabZeineb Fourati SellamiSadok Mtimet, Ahmed Ghrab et Kélibia ... et Hamida Barnat.